Les Enquêtes du Sup – Syrie: une élection 10 ans après

Syrie: une élection dans un pays détruit par 10 années de guerre

Une nouvelle enquête du Supplément Enragé sur l’élection présidentielle tenue en Syrie, alors que le pays est meurtri par dix années de guerres incessantes et dévastatrices, Bachar el-Assad a de nouveau été réélu à la tête de la Syrie. Quel avenir pour un pays anciennement rayon régional, dont la reconstruction va certainement aujourd’hui prendre plusieurs années ?

par Alizée Studzinski

Mercredi 26 mai, sans grande surprise, Bachar el-Assad a officiellement été réélu avec 95,1% des voix à la tête de la Syrie pour un quatrième mandat consécutif. Mais pour beaucoup, le résultat de ce scrutin n’est pas une surprise, nombreux sont ceux estimant le vote biaisé.

Un quatrième mandat consécutif sur fond de « mascarade »

Selon le président du Parlement, Hammoud Sabbagha, le taux de participation à cette élection s’élève à 76,64%. Bachar el-Assad était tout de même opposé à deux candidats lors de ces élections : l’ex-ministre Abdallah Salloum Abdallah et un membre de l’opposition tolérée par le pouvoir, Mahmoud Marei. Pour autant, beaucoup estiment cette élection était jouée d’avance car le scrutin s’est tenu dans des régions sous contrôle du pouvoir central. Ajoutons à cela que les opposants de l’ancien président en lisse se sont retrouvés exclus du scrutin car une loi électorale officielle impose aux candidats d’avoir vécu dix années consécutives sur le territoire pour prétendre devenir chef de l’État syrien. Même si plusieurs Organisations non gouvernementales (ONG) et pays dénoncent cette élection en estimant le résultat du scrutin irrecevable, d’autres soutiennent le nouveau mandat de Bachar el-Assad, à l’instar de la Fédération de Russie.

Pour rappel, Bachar el-Assad est poussé au pouvoir le 17 juillet 2000, après la mort de son père un mois plus tôt, ayant été au pouvoir pendant trente ans. Et par la mort prématurée de son frère ainé en 1994, destiné initialement à prendre la succession du père. Il a donc dû rentrer de son exil à l’étranger pour se préparer à devenir le futur président de la République arabe syrienne. En plus de son rôle de président de la République, el-Assad est Secrétaire régional du parti Baas, parti politique à l’origine, panarabe, socialiste et laïc.

En mai 2007, Bachar el-Assad est reconduit à la présidence de la République avec 97,62 % des voix. En 2011, la guerre civile syrienne voit le jour à la suite de la répression des manifestations du printemps arabe par el-Assad. Malgré des menaces de mort à l’encontre du chef d’Etat, il est maintenu au pouvoir grâce aux interventions militaires de la République islamique d’Iran et de la Fédération de Russie. En 2014, alors que l’Etat islamique s’installait durablement dans la région, de nouvelles élections présidentielles on eut lieu en Syrie. El-Assad est réélu pour un troisième mandat consécutif avec 88,7% des suffrages.

Ces élections ont souvent été dénoncées et qualifiées de « mascarade » par l’opposition en exil, estimant le système politique syrien trop verrouillé pour laisser se tenir des élections libres et parce que les scrutins se sont déroulés dans les régions tenues par le gouvernement. Mise à part quelques alliés à l’instar de la Russie, Bachar el-Assad n’est pas une personnalité plébiscitée sur la scène internationale. En effet, beaucoup lui ont reproché son inaction auprès de sa population. L’Organisation des Nations Unies l’accuse de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité pour l’utilisation d’armes chimiques, le bombardement ciblé de civils, ou encore la torture et l’emprisonnement de milliers d’opposants politiques. Certaines ONG russes ont même reproché à la Russie d’être complice des exactions menées par le régime syrien.

Un nouveau scrutin pour un pays dévasté par la guerre civile

Mais cette élection s’est surtout déroulée dans un pays ravagé sur le plan socio-économique par plus de dix années de guerre meurtrières. La Syrie connait une dépréciation historique de la monnaie, une pénurie du carburant, une inflation qui ne cesse de fléchir notamment sur les produits alimentaires comme le pain, et une population qui vit en grande majorité dans la pauvreté. L’ONG World Vision a récemment évalué le coût économique de la guerre à environ 1000 milliards d’euros et l’Observatoire syrien des droits de l’Homme annonce, au 1er juin 2021, 494 438 morts depuis le début du conflit en 2011. Ajoutons à cela que les Nations Unies estiment que plus de 80 % de la population vit dans la pauvreté. Plusieurs organisations internationales et organisations non gouvernementales (ONG) alertent sur la situation humanitaire catastrophique dans le pays. D’après l’Organisation des Nations Unies (ONU), 13 millions de Syriens ont été contraints de fuir. Malgré les différents plans de soutien et aides internationales mis en œuvre, les besoins alimentaires, sanitaires et sur le plan des infrastructures sont colossaux et peinent à être comblés.

En janvier 2021, un rapport du Programme alimentaire mondial faisait état de 12,4 millions de personnes en situation d’insécurité alimentaire en début d’année, soit environ 60% de la population syrienne. Et d’après l’Organisation des Nations Unis (ONU), plus de 13 millions de personnes auront besoin d’une aide humanitaire en 2021.  

Les enfants sont aujourd’hui des victimes de premier plan du conflit syrien qui s’enlise depuis dix ans. Par exemple, l’UNICEF a rapporté, dans un rapport de février 2021, qu’au moins 22 enfants ont été tués lors d’attaques sur le seul mois de janvier de la même année. Et l’organisation rappelle que 90% des enfants ont besoin d’une aide humanitaire en Syrie, ce qui représente une hausse de 20% en dix ans. De plus, l’ONU estime que 2,5 millions d’enfants ne sont pas scolarisés et qu’un tiers des écoles du pays ne peuvent être utilisées.

Enfin, beaucoup de femmes et enfants sont dans des camps de réfugiés comme celui d’Al-Hol dont la situation humanitaire et sanitaire critique est souvent relayée.

Une relative stabilité retrouvée

Après dix années de guerre civile, les combats semblent s’être arrêtés et le régime politique ne n’est pas délité, offrant la perspective d’un avenir plus serein pour la Syrie. Pourtant, couplée à une situation humanitaire critique, la situation sécuritaire en Syrie n’est pas stabilisée. En effet, même si les fiefs de l’Etat islamique ont été repris, les bombardements demeurent monnaie courante dans le pays. A titre d’exemple, le 28 avril dernier, l’Envoyé spécial de l’ONU pour la Syrie, Geir O. Pedersen, a appelé à un cessez-le-feu sur tout le territoire syrien, avertissant que “malgré plus d’un an de calme relatif par rapport aux normes syriennes, ce mois-ci nous a rappelé que la situation risquait de se désintégrer ou de se détériorer rapidement”.

La situation est encore instable car plusieurs menaces touchent le pays, telles que des frappes contre un hôpital dans le nord-ouest (mettant ainsi en péril des camps de personnes déplacées) ainsi qu’à la frontière avec la Turquie, visant ainsi des livraisons humanitaires de l’ONU, et enfin à Alep. Le centre et le nord-ouest de la Syrie souffrent également de la recrudescence des attaques terroristes de Daech, sans compter la grande criminalité secouant le sud-ouest du pays.

Quel avenir pour la Syrie ?

Les besoins en aide humanitaire ne se comptent plus. La grande majorité des Syriens est en situation d’extrême précarité, laissant peu de place à un retour à la vie normale pour ces populations. La reconstruction psychologique et physique de ce peuple sera longue et la reconstruction du pays, prendra quant à elle, certainement plusieurs dizaines d’années. Le système politique syrien si verrouillé offre peu de visibilité sur l’avenir du pays.

Sources

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