Les Enquêtes du Sup – Syrie: la France fait-elle le choix de l’adoption ?

Enfants de djihadistes en Syrie: la France fait-elle le choix de l’abandon ?

Une nouvelle enquête du Supplément Enragé consacrée à la position de la France face à la question du rapatriement des enfants de djihadistes français, internés dans des camps syriens.

par Alexandra Marchand

En France, les appels mortifères de l’État islamique continuent de radicaliser certains français, poussés à prendre les armes au Proche-Orient sous une bannière islamiste. Au cœur de cette guerre, ce sont les enfants français de djihadistes qui sont abandonnés, détenus dans des camps aux conditions sanitaires, humanitaires et sécuritaires plus qu’alarmantes.

Une situation humanitaire très inquiétante

Détenus arbitrairement dans les camps de Roj et d’Al-Hol, le sort de plus de 200 enfants de djihadistes français demeure à ce jour encore incertain. Enfants de parents radicalisés, ils vivent au sein de camps du Kurdistan syrien dans des conditions inhumaines, dont la situation s’aggrave de jour en jour. Entassés dans des tentes de toile où vivent jusqu’à trois autres familles, ils sont démunis d’accès à l’eau courante ou aux soins fondamentaux. En France, les familles plaident le rapatriement de ces enfants en témoignant de l’urgence humanitaire à travers le Collectif des familles unies, comme l’a déclaré une grand-mère en détresse:

« On sait que la plupart des enfants sont malades ou affamés et que les décès se multiplient. Ils souffrent du froid et de conditions sanitaires déplorables. Alors que fait-on maintenant? On les laisse mourir? Ce sont des enfants français. Si la France est le pays des droits de l’Homme, c’est le moment de le prouver. »

Une politique du compte-goutte dans un contexte de discrimination

Selon Véronique Roy dont le fils radicalisé est décédé : « le rapatriement de tous les enfants relève uniquement d’une décision politique ». Depuis mars 2019, uniquement vingt-huit enfants ont été rapatriés en France, le gouvernement français appliquant une politique du « cas par cas ». Vivement dénoncée par les organisations humanitaires, cette politique s’applique en réalité dans un contexte de discrimination.

De toute évidence, c’est l’Élysée qui a freiné suite à une fuite d’un plan de rapatriement massif, poussé par les spécialistes de la lutte antiterroriste, qui avait provoqué une réaction très vive et négative de la part de l’opinion publique. Le calendrier politique ne jouant pas non plus en la faveur de ces enfants, marqués par l’arrivée des élections présidentielles, faisant de leur cas une situation non prioritaire et risquée au vue de la montée de l’extrême droite. Le 21 juin, une mobilisation inédite prend alors place, rassemblant dans le cadre d’une pétition parue dans Le Monde 110 acteurs de la société civile appelant « la France à rapatrier immédiatement ces enfants français qui, victimes de traitements inhumains et dégradants, périssent à petit feu dans les camps syriens ».

Derrière cette pétition, différentes ONG ou encore la Commission nationale consultative des droits de l’homme et le Parlement Européen partagent leurs recommandations en faveur de leurs rapatriements.

« Ces enfants sont innocents. Ils n’ont pas choisi de partir en Syrie ni de naître en zone de guerre ou dans ces camps. Ils sont des victimes que la France abandonne en leur faisant payer le choix de leurs parents. Laisser périr ces enfants dans ces camps est indigne de notre Etat de droit et contraire à nos engagements internationaux. »

Enfants djihadistes syriens bientôt rapatriés ?
© MOHAMAD ABAZEED/AFP

Malgré la pression grandissante, les autorités maintiennent un silence assourdissant, laissant croire que les mères de ces enfants appartiennent à la justice Syrienne. Les autorités Kurdes refusent de juger celles-ci et « appellent les États à prendre leurs responsabilités ».

Un retour en France difficile         

Alors que le rapatriement de ces enfants représente un énorme soulagement pour les familles, le chemin à parcourir est encore long. Portant les lourds stigmates de leurs traumatismes, la guerre et la vie au sein des camps ne sont jamais loin. Selon le psychiatre Serge Hefez, leur prise en charge au moment de leur retour en France est particulière, ceux-ci étant souvent pris dans un « conflit de loyauté intérieur avec leurs parents ». Confiés à l’Aide sociale à l’enfance, ils sont par la suite placés au sein de foyers ou de famille d’accueil. Avec un suivi psychologique et éducatif particulier, certains enfants ayant une attache familiale comme un oncle, une tante ou des grands-parents, sont alors confiés auprès d’eux après un premier temps passé dans un foyer. Selon le psychiatre, la particularité de ces enfants est qu’ils ont vécu la guerre, donc des traumatismes à répétition, certains depuis leurs naissances. Traumatisme cumulatif, il est d’autant plus difficile à soigner après avoir vu des scènes de violence sans précédent, devenu le quotidien et la norme pour eux. Ce retour comprend donc également des enjeux de radicalisation, par l’adhésion des croyances de leurs parents pour peur de les trahir. Le travail vient alors aux familles d’accueils, psychologues et éducateurs de créer un lien  et ouvrir le dialogue afin de générer chez eux un sentiment de sécurité. 

Sources

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