28e sommet de l’OTAN: mise en lumière de la montée des tensions entre l’Ouest et l’Est
Une nouvelle enquête du Supplément Enragé consacrée à l’OTAN, et aux tensions entre les pays de l’ouest et ceux de l’est de l’organisation transatlantique affichées durant son 28e sommet, par notre nouvelle recrue, Geoffrey Bouilleaux, à qui nous souhaitons la bienvenue.
par Geoffrey Bouilleaux
Le 14 juin dernier s’est tenu à Bruxelles le 28ème sommet l’OTAN. Parmi les nombreux dossiers abordés, les 30 pays membres ont cherché à définir la ligne de conduite de l’alliance pour ces 10 prochaines années : « l’OTAN 2030« . Cette ligne de conduite a amené le président Biden à soulever les menaces identifiées qui pourraient planer sur l’organisation ces prochaines années : la Chine et la Russie.
Le renouement des relations transatlantiques
Inauguré en présence du président Biden, ce 28ème sommet a voulu tourner la page de l’ère Trump. Ces 4 années avaient mis en exergue les divergences entre Européens et Américains. Le nouveau locataire de la Maison-Blanche a lui cherché à « revitaliser » l’OTAN, et ce, dès sa prise de fonction en janvier dernier.
Afin de renouer de meilleurs liens de coopération avec les européens, Joe Biden avait déjà annulé le rapatriement 12 000 soldats américains depuis l’Allemagne au début de l’année. Cette mesure avait été pensée par son prédécesseur comme une sanction envers l’Allemagne, qui, au printemps 2020, avait refusé d’augmenter sa contribution financière octroyée à l’OTAN pour le fonctionnement de l’Alliance.
Ainsi, après 4 ans, les États-Unis semblent faire de l’OTAN une priorité, sortant ainsi l’Alliance de sa « mort cérébrale » – diagnostiquée par le président Macron en 2019.
Ce revirement est lié aux défis que devront affronter les États-Unis dans les prochaines années. En effet, Joe Biden sait qu’il devra compter sur ses alliés pour faire face à la Russie et à la montée en puissance de la Chine dans la décennie qui arrive.

La Russie et la Chine dans le collimateur de Biden
Le 46ème président des États-Unis a tenu un discours ferme visant à ce que l’OTAN s’arme contre les différentes menaces posées par la Chine et la Russie.
Parmi elles, la cybersécurité. Les 30 pays membres se sont mis d’accord afin que les cyberattaques de grandes ampleurs soient considérées comme des actions armées ; ce qui impliquerait une réponse commune. Cette mesure constitue une réponse aux cyberattaques menées par ces deux pays contre des pays membres de l’alliances. Pour rappel, entre octobre 2020 et mars 2021 des groupes de hackers liés au gouvernement chinois ont hacké plusieurs grandes entreprises d’armement américaines.
De la même manière, la Russie est soupçonnée d’avoir une campagne de cyberattaque contre plusieurs groupes du CAC 40 entre 2017 et 2020. Cette décision vise donc à doter l’alliance de moyens de réponse(s) efficaces pour contrer d’éventuelles futures cyberattaques.
En plus du renforcement des capacités en matière de cybersécurité, les pays membres ont fait front afin de montrer la cohésion et la force politique de l’alliance face à la Russie. Suite au sommet, les pays de l’OTAN ont par exemple appelé « la Russie à révoquer la désignation de la République Tchèque et des États-Unis comme pays inamicaux et à s’abstenir de toute autre mesure contraire à la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques ». Cet appel fait suite à la crise diplomatique survenue en avril 2021 ayant impliqué la République Tchèque, et plusieurs autres pays de l’Union Européenne face à la Russie. Le 17 avril dernier, la République Tchèque a expulsé plus de 18 diplomates russes identifiés comme des agents des services de renseignements russes du GRU. Suite à cette décision, la Russie avait à son tour expulsé 20 membres de l’ambassade Tchèque à Moscou, puis placé le pays sur la liste des pays hostiles.
Cette réorientation stratégique voulue par le président Biden a néanmoins suscité certaines réticences. Si les différents pays européens s’accordent bien sur le besoin d’adapter les moyens de l’Alliance et sur le fait que la Russie reste une menace permanente pour leur souveraineté, plusieurs pays ont cependant remis en cause l’importance des tensions avec la Chine, mais aussi la possibilité que les pays européens soient impliqués dans une guerre froide à venir entre les États-Unis et la Chine.
La situation ukrainienne, catalyseur des tensions entre l’OTAN et la Russie
Après 20 années de dégel, les tensions entre l’OTAN et la Russie ont connu une remontée en puissance avec la révolution ukrainienne de 2014, soulèvement populaire conséquent à la non-signature par le président Ianoukovytch des accords d’association entre l’Ukraine et l’Union Européenne. Face à l’ampleur des manifestations, le président Ianoukovitch avait fui le pays, et un régime favorable à l’Union Européenne avait pris le pouvoir. Suite à cela, des séparatistes pro-russes avaient décrété l’indépendance du Donbass ; dans le même temps, Moscou avait envoyé ses forces occuper la Crimée, et de nombreuses sanctions économiques avaient été prises contre Moscou.
Depuis ces évènements, les tensions n’ont fait que croître entre l’OTAN et la Russie, que ce soit sur le dossier Ukrainien ou d’autres dossiers internationaux à l’instar de la Syrie.
En 2021, l’Ukraine a agi comme un catalyseur de ces tensions. Au cours des mois de mars et d’avril, la Russie avait effectué des mouvements de troupes de grande ampleur vers la frontière Ukrainienne, prétextant l’organisation d’exercices militaires dans le sud-ouest de la Russie. Plus de 100 000 soldats et une bonne partie de la flotte russe se sont donc retrouvés sur le pied de guerre.
Le Commandant en chef de l’armée ukrainienne, Ruslan Khomckak avait alors indiqué le 19 mai 2021 au comité militaire de l’OTAN que le seul moyen de limiter la belligérance russe serait par une action commune de l’OTAN et l’Ukraine. Toutefois, malgré la mobilisation de plusieurs bâtiments de guerre et l’envoi de nombreux avions, l’OTAN n’avait pas adressé de message officiel à la Russie.
Le renouveau de l’OTAN ?
Ce 28ème sommet a confirmé les positions de l’Alliance et surtout les différents objectifs politiques et militaires à atteindre. La présidence de Donald Trump avait amené les européens à se questionner sur leur dépendance militaire vis-à-vis des États-Unis. Au cours de ses 4 ans de mandat, l’existence même de l’OTAN fut remise en question.
L’objectif politique pour l’OTAN 2030 sera donc de renforcer l’Alliance afin qu’aucun membre ne puisse faire cavalier seul, comme les États-Unis ou la Turquie ces dernières années, et ne mettent ainsi en danger l’ensemble de l’organisation. Cet objectif politique reste cependant soumis au positionnement des États-Unis dans les années à venir, vue la place que le pays occupe militairement dans l’Alliance : l’élection d’un président isolationniste pourrait venir chambouler cet équilibre tout juste réinstauré.
Au niveau militaire, l’objectif des différents pays membres est de renforcer leurs capacités afin que l’Alliance puisse réagir efficacement face aux différentes crises à venir. Dans les faits, les différents pays européens ont ainsi reconfirmé leur engagement pris en 2014 ; et devront consacrer au moins 2% de leur PIB pour les dépenses militaire d’ici 2024.
Ces tensions entre l’Ouest, l’OTAN, et l’Est, analysé ici sous le prisme de la Chine et de la Russie, continuent de progresser, et incitent l’accroissement de la présence des forces armées aux zones de tensions. Quand l’OTAN a positionné ses troupes dans les pays baltes, la Russie et la Chine ont positionné les leurs à la frontière ukrainienne et dans les eaux continentales.
Ainsi, le 31 mai dernier, le ministre de la Défense russe a annoncé la création de 20 divisions pour l’armée de terre dans l’Ouest du pays. Selon lui, cette décision aurait été prise pour protéger son pays face à la montée en puissance de l’OTAN à la frontière russe.