Les Enquêtes du Sup – Ecologie: Le déclin des pollinisateurs sauvages ?

Le « GIEC de la diversité » dénonce le déclin des pollinisateurs sauvages

L’écologie et le GIEC sont décidemment au cœur des préoccupations de nos lecteurs, comme de nos journalistes. Après l’enquête concernant le rapport du GIEC sur le réchauffement climatique, c’est au tour de Pauline Schroder, à qui nous souhaitons la bienvenue dans notre rédaction, qui se penche pour son premier enquête du Supplément Enragé sur le déclin des pollinisateurs sauvages.

par Pauline Schroder

Cela fait désormais plusieurs années qu’on nous alerte sur le sauvetage des abeilles. Leur déclin porte même un nom, le CDD (Colony Collapse Disorder). De la sensibilisation, jusqu’aux actions concrètes, quels sont les enjeux actuels à ce phénomène ?

« 75% de la production mondiale de nourriture dépend des insectes pollinisateurs »

La pollinisation, dans son terme général, est le processus par lequel les grains de pollen sont transportés d’une fleur à une autre de même espèce, et permettent ainsi la fécondation. Ce mécanisme naturel est au cœur de la vie et du vivant, et est en relation avec l’ensemble de la chaîne du vivant. Les différents vecteurs de pollinisation se divisent en deux familles : les biotiques (zoogamie assurée par différentes espèces vivantes) et les abiotiques (l’anémogamie ou transport assuré par le vent et l’hydrogamie qui permet le transport par l’eau).

« 75% de la production mondiale de nourriture dépend des insectes pollinisateurs » (Happyculteur), sans oublier l’activité humaine qui peut perturber nos cycles météorologiques et donc la pollinisation abiotique. C’est à la biotique que cet article s’intéresse. En se nourrissant, les insectes pollinisateurs opèrent. Leur repas principal ? Le pollen des fleurs. En butinant, ces insectes transportent les grains de pollen d’une fleur à l’autre. Ces fleurs sont donc fécondées, entrainant la production de graines.

Bien que l’abeille soit la star de cette communication massive sur le sujet, elle est toutefois loin d’être seule à polliniser. Les premières traces d’insectes pollinisateurs, de petits coléoptères, datent d’il y a plus de 200 millions d’années. Aujourd’hui, 300 000 espèces – dont 10 000 en France – sont capables d’accomplir cette tâche, principalement des fourmis, des papillons, coccinelles, certaines espèces de mouches ou encore les chauves-souris et colibris. De plus, certaines fleurs ne sont visitées que par un pollinisateur, tandis que certaines peuvent bénéficier de la visite de multiples espèces. La complexité et la subtilité des interactions plantes-pollinisateurs provoque encore nombre de débats.

déclin pollinisateurs campagne whole foods
Campagne Whole Foods « This is what your grocery store looks like without honeybees » (Source: Fast Company)

À ce jour, 80% des végétaux subsistent grâce à lintervention des insectes pollinisateurs, dont presque tous les fruitiers, légumes, oléagineux, les épices, le café et le cacao. La chaîne de supermarchés américaine Whole Foods a même imaginé et photographié ce à quoi ressembleraient nos étalages sans abeilles pour appuyer les cris d’alerte.

Un « déclin des pollinisateurs sauvages en diversité et en abondance » selon Le Monde

Une étude anglaise, qui se concentre sur les plantes à graines, estime que le rythme d’extinction depuis 30 ans est de trois plantes par an. Ce nombre peut paraître faible mais il est 500 fois plus élevé que celui qui serait dénombré sans les changements récents faits par l’Homme, notamment le changement climatique.

Les causes du déclin des insectes pollinisateurs sont multiples, à commencer par la plus connue d’entre elles : les pesticides. Du plus connu glyphosate aux noms plus loufoques encore, les « néonicotinoïdes », qui font perdre la mémoire aux abeilles, leurs conséquences destructrices sur la nature sont indénombrables.

Malgré les nouvelles règlementations françaises, d’autres pays comme les Pays-Bas, détiennent le record européen de consommation de pesticides (+ de 10,3 kg par hectare en 2018). En comparaison, le plus mauvais élève mondial est le Costa-Rica avec un total de 22,9 kg de pesticides par hectares. En 30 ans, ce sont 80% des insectes européens qui auraient disparus, les dates coïncidant avec l’arrivée massive des pesticides sur l’ensemble des territoires.

Ironiquement, la perte de certaines espèces végétales est aussi une des raisons du déclin. Suite à la monoculture qui vise à cultiver une seule espèce végétale en masse sur une parcelle de terre tout aussi grande, certains pollinisateurs se retrouvent sans ressource alimentaire. En effet, toutes les haies naturelles sont rasées pour faire place à une agriculture intensive.

Enfin, les pollinisateurs sont également victimes de nombreux parasites et maladies, dont l’apparition s’intensifie avec les années. Cela aurait à voir avec le grapillement de l’humain et de la ville sur les espaces naturels, et donc le rapprochement de plusieurs espèces. Les premiers sur la liste sont l’acarien Varroa puis le moucheron Apocephalus borealis ou encore le champignon Nosema ceranae.

La pollinisation, un poids économique ?

déclin pollinisation pixabay
(Source: Pixabay, libre de droits)

Les premières estimations mondiales chiffraient la valeur économique de la pollinisation en tant que service écosystémique à 88 milliards deuros en 1997. En 2005, une étude financée par l’UE annonce 153 milliards deuros.

En 2009 cette estimation est revue au moyen d’une méthodologie plus poussée, avançant un total de 115 milliards d’euros. En 2016, c’est Greenpeace qui publie son nouveau rapport sur l’agriculture reconfirmant le calcul : le service rendu par les pollinisateurs s’évaluerait à 265 milliards d’euros. Cette somme découle de la dernière étude pertinente sur le sujet, menée en 2012 par Lautenbach et al. Contrairement aux études précédentes, celle-ci prend en compte la part des cultures servant directement à l’approvisionnement mondial dépendantes de la pollinisation animale.

Ces milliards serviraient essentiellement au salaire de main d’œuvre venue transférer le pollen de fleur en fleur, à l’aide d’un pinceau… finie les prairies calmes où seul le bourdonnement des abeilles vient déranger le bruit du vent caressant les feuilles.

L’équilibre alimentaire mondial sera bouleversé. La production ne suffira plus à maintenir la cadence actuelle. La mortalité humaine mondiale progresserait de +3%, les carences en vitamines en seraient la cause. Les régions importatrices, dont l’Europe fait partie, verraient la diversité de son assiette perdre un tiers. 

Sources

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