Opposition à la ligne Lyon – Turin: conflit au Val de Suse contre les grands projets inutiles et imposés
Une nouvelle enquête du Supplément Enragé consacrée à la ligne à grande vitesse Lyon – Turin, et aux passions qu’elle déclenche depuis le lancement du projet en 1991.
par Ombeline Ogier
Depuis le lancement du projet de la ligne à grande vitesse Lyon-Turin en 1991, des habitants du Val de Suse protestent contre cette infrastructure d’envergure pour laquelle les acteurs impliqués n’en finissent pas de se multiplier. Ils s’ancrent dans les différentes luttes contre les grands projets.
Un mouvement qui s’ancre dans une dynamique de protestation

Le projet de ligne Lyon-Turin est qualifiée par ses détracteurs en tant que Grands projets inutiles et imposés (abrégé le plus souvent en GP2I). Cette expression se développe dans les années 2010, caractérisant les territoires de lutte contre une infrastructure avant sa construction. Les manifestants protestent contre ces projets « grands » par leur démesure en matière de taille, de coût économique, social et environnemental. Ils sont qualifiés d’inutiles dans le sens où ils ne répondent pas à des préoccupations locales ou à l’intérêt général. Le dernier qualificatif « imposé » est de plus en plus utilisé pour dénoncer un processus de décision opaque et éloigné des habitants, sans concertation préalable.
Des luttes similaires autour du monde
Ces revendications qui prennent en considération des aspects économiques, sociaux et environnementaux, florissent dans le monde entier. L’Environmental Justice Atlas reportent 3 490 cas de luttes contre les grands projets inutiles sur sa carte en ligne. Ces luttes se caractérisent par une réappropriation du territoire dans le but de mettre en exergue des préoccupations plus locales.
En France, si le mouvement italien d’opposition au Lyon-Turin ne prend pas autant d’ampleur que dans le Val de Suse, ces contestations contre des grands projets sont fréquentes. Parmi les plus médiatisés, Notre-Dame-Des-Landes est un exemple emblématique. Le média Reporterre a créé une carte interactive pour les identifier.
Revendications face à un projet d’envergure
Plus spécifiquement, le projet de ligne à grande vitesse Lyon-Turin prévoit un tunnel long de 57km à travers les Alpes, entre Saint-Jean-de-Maurienne et Suse, ce qui en ferait le plus long tunnel au monde Son coût total est estimé à 8,6 milliards d’euros. Les travaux ont débuté en 2015 et devraient se terminer en 2030.
Depuis la validation du projet en 1991, plusieurs manifestations ont été fortement réprimées, notamment dans le Val de Suse, où s’est construit le collectif « No Tav » (acronyme de Treno ad Alta Velocità). Récemment, en avril 2021, les forces de l’ordre ont expulsé les opposants d’un poste dans le village de San Didero. Le mouvement est fréquemment résumé au collectif « No Tav » (acronyme de Treno ad Alta Velocità) actif notamment dans le Val de Suse.
Quel impact environnemental ?
Le projet Lyon-Turin prend racine dans la volonté européenne de relier par un corridor ferroviaire Lisbonne à Kiev, notamment afin de transporter des marchandises et éviter le fret routier. Le Comité pour la Transalpine, créé en 1991, met en avant sa démarche environnementale et la réduction du transport routier que la ligne pourrait susciter.
Sauf que l’argument ne convainc pas. Les opposants de la ligne avancent d’autres arguments comme le coût environnemental de la construction, dont la durée est estimée à 12 ans. Des doses d’uranium et de l’amiante seraient présents dans la vallée et pourraient s’échapper lors du creusement du tunnel. Enfin, les nuisances sonores dans cette zone de montagne nuiraient à la biodiversité.
Les opposants revendiquent une réappropriation du territoire à l’encontre de la course à la mobilité que promeut le projet. Ils placent le bien commun dans une préservation des territoires qui soit plus durable, locale et collaborative, ce que les Grands projets ne sont pas en mesure d’accomplir.