Un an après le Ségur de la Santé, les crises du système de santé français
Une nouvelle enquête du Supplément Enragé consacrée au bilan tiré, 1 an après le « Ségur de la Santé », du système français en la matière, par notre nouveau journaliste, Waeel Abichou, à qui nous souhaitons la bienvenue dans notre rédaction.
par Waell Abichou
Un an après le « Ségur de la santé » qui s’est traduit par 33 mesures, l’hôpital et le système de santé ne sont toujours pas prêts à affronter la crise sanitaire. Alors qu’une quatrième vague épidémique nous guette, les décisions en matière sanitaire doivent tenir compte de problématiques financières, sociales et économiques concomitantes au système de santé français.
Une série de 33 engagements en quatre piliers
Acte I: mai-juillet 2020
Annoncé par le président de la République lors d’un discours en mars 2020, le « Ségur de la santé », qui tire son nom de l’emplacement du ministère des Solidarités et de la Santé avenue Ségur à Paris, est une concertation qui s’est tenue de mai à juillet 2020. Elle a été animée par Nicole Notat, ancienne secrétaire générale de la CFDT autour des acteurs représentatifs du système de santé français. A son terme, en juillet 2020, Olivier Véran en a tiré les principales conclusions et a annoncé une série de 33 engagements regroupés en quatre piliers. Le premier pilier, « transformer les métiers et revaloriser ceux qui soignent », a mobilisé une enveloppe de 8,2 milliards d’euros destinée à augmenter les salaires des soignants et rendre les métiers du soin attractifs. Il s’est traduit par deux accords signés par des partenaires sociaux représentants les professions non-médicales et les professions médicales, où figure la valorisation de 183 euros bruts mensuels des salaires des personnels non-médicaux (aides-soignants, brancardiers, infirmiers, etc.).

Alors qu’en 2018, face à une soignante qui déplorait le manque de moyens à disposition des soignants, Emmanuel Macron a affirmé qu’ « il n’y a pas d’argent magique », ce dernier, dans son discours de Mulhouse de mars 2020 s’est engagé à soutenir tous les secteurs de dépense « quoiqu’il en coûte ». Toutefois, malgré son ampleur, cette valorisation salariale, décidée dans le cadre de la lutte contre la pandémie du Covid-19, n’est pas suffisante au regard des mobilisations collectives et des revendications du personnel soignant dans toute la France ces quatre dernières années. Les organisations syndicales représentant le personnel jugent cette valorisation insuffisante et ne tenant pas compte de l’ensemble des revendications, notamment l’absence de moyens suffisants dans les établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux. De même, l’augmentation cible les personnels du secteur médical au détriment des secteurs médico-social et social, et concerne uniquement les établissements publics, au détriment du privé (à but lucratif ou non-lucratif).

Acte II en 2021 : le « Ségur de la santé publique »
Les trois autres piliers concernent respectivement l’investissement, la simplification des organisations et la gouvernance des établissements. Ils se sont traduits par un « Acte II du Ségur de la santé publique » qui s’est déroulé à partir de janvier 2021 suite au déblocage des crédits budgétaires dans le cadre des lois de finances et lois de financement de la Sécurité sociale pour 2021. Parmi les principales mesures : la reprise d’une partie de la dette hospitalière par la CADES , la Caisse d’Amortissement de la Dette Sociale, dont l’extinction a été repoussée à 2033 ; la création de 4000 lits « à la demande » ; le renforcement de l’autonomie des ARS sur leur territoire pour apporter plus de souplesse à la gouvernance de chaque établissement.
Un an après le Ségur de la santé : le système de santé est-il prêt à faire front aux crises qui le guettent ?
D’une crise des comptes de la Sécurité sociale à une crise des comptes publics
Le Covid-19 et les milliards d’euros investis dans le cadre du Ségur de la santé vont laisser des traces durant les prochaines années. Tout d’abord sur les comptes sociaux puisque la Sécurité sociale enregistre un déficit record de 48,4 milliards d’euros en 2020 (dont 32,2 milliards d’euros pour la seule branche maladie) et de 27,1 milliards en 2021 (19,7 milliards d’euros pour la branche maladie). Aussi, la baisse de l’activité résultant des mesures sanitaires a entraîné, par effet de ciseau, une baisse des cotisations sociales, des impôts et des taxes affectées ayant donné lieu à une baisse de 20 % du PIB national en 2020. Or, les prévisions budgétaires de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2021 s’appuyaient sur une hypothèse de croissance de 8 % en 2021, ce qui est relativement optimiste au regard des prévisions de l’INSEE et de la Banque de France qui tablent une croissance de 5 à 6 %.
Sources
- Photo de couverture: Wiedza Bez
- BELLAY, Jacques-Yves, « Les ambigüités du Ségur de la Santé », Esprit (Juillet-Août 2020, p. 21-24)
- Bréchat, P. -H., F. Krim, et P. -M. Leprêtre, « Activités physiques et sportives, prise en charge de la pandémie au COVID-19, Ségur de la santé et Ségur de la santé publique : pour un trinôme gagnant ». Science & Sports 36(2) (2021, p.. 168‑69.)
- LAMBERT, Thierry, « Quoi qu’il en coûte ! » Gestion Finances Publiques N° 3(3) (2021, p. 6‑13).
- RENAUD, Adrien. « Ségur : concertation unique, multiples interprétations ». Les Tribunes de la sante N° 67(1) (2021, p. 33‑37)
- SICOT, Dominique, « Les comptes durablement dégradés de la Sécurité sociale ». Le Monde diplomatique (2020)
- SICOT, Dominique, « Pas d’« argent magique » pour la santé ». Le Monde diplomatique (2020)
- « Acte II du Ségur de la santé : 19 milliards pour le système de santé », Les Clés du Social (2021)
- « Covid-19 : les soignants non vaccinés au 15 septembre “ne pourront plus travailler et ne seront plus payés”, annonce le ministre de la Santé ». France Info (2021)
- « Covid-19 : retour du couvre-feu en Martinique ». France Info (2021)
- « Gouvernance, investissements, simplification des organisations… : le (…)« , Les clés du social
- « Covid-19 : à quand la quatrième vague à l’hôpital ? », JDD.
- « Le retour du port du masque – Haute Garonne », Le Petit Journal (2021)
- « Les soignants refusent la vaccination obligatoire », L’humanité (2021)
- « Malgré le Ségur, les soignants dans la rue pour défendre l’hôpital public »
- « Olivier Véran promet de meilleurs salaires à l’hôpital et un assouplissement des 35 heures », Le Monde (2021)
- « Opinion. Qui pour réformer l’irréformable Sécu ? », Les Echos
- « Tribune. “Ségur de la santé” : pourquoi les mesures salariales ne suffisent pas », JDD
- « Un an après : (dés)accords du Ségur pour le médico-social », Actualités Sociales Hebdomadaires (2021)