35 heures: Le tour de passe-passe d’Anne Hidalgo démasqué et pointé du doigt
L’édito du 5 août 2021 revient sur le retoquage par la préfecture de Paris du plan d’adaptation des horaires de travail des agents municipaux de la capitale négocié par Anne Hidalgo pour se conformer au temps minimal des 35 heures hebdomadaires.
par Live A. Jéjé
Camouflet pour Anne Hidalgo. Depuis son élection à la Mairie de Paris à l’issue des élections municipales de 2014, réélue en 2020 pour un nouveau mandat de 6 ans les passions se sont déchaînées sur ses décisions politiques, notamment en matière de transport et d’écologie. De quoi l’engager dans un duel permanent avec la présidente de la région Valérie Pécresse, candidate à la primaire de la droite pour les futures échéances élyséennes, qui pourraient les opposer de nouveau à en croire les instituts de sondage qui notent qu’à ce jour, la mairesse est la personnalité politique qui obtiendrait le meilleur score si elle obtenait l’investiture du Parti Socialiste (bien que ne dépassant guère la barre symbolique des 10 % que le PS avait franchi, dans l’autre sens, à la dernière présidentielle). Celle qui a succédé à Bertrand Delanöé a une nouvelle fois suscitée la polémique dans l’ensemble de la presse.
En cause, le retoquage par la préfecture, sur lequel le gouvernement s’est fait une priorité de surfer, du plan d’adaptation – âprement négocié par la ville avec l’ensemble de ses interlocuteurs politiques et syndicaux au cours du premier semestre – du temps de travail de ses agents, qui doit s’aligner, dans le cadre de l’harmonisation des horaires de l’ensemble des collectivités locales prévue par la loi de transformation de la fonction publique votée en 2019, sur une exigence de 1607 heures annuelles (équivalent de 35 heures hebdomadaires), quand la moyenne parisienne plafonne, en moyenne et tous secteurs confondus, à 1552 heures, dixit un rapport de la Chambre régionale des comptes d’Ile-de-France publié en 2017.
Un subterfuge bien pensé…
Les syndicats ayant prévenus dès le départ qu’il n’était pas question que les 50 000 fonctionnaires et agents municipaux travaillent « une minute de plus », le plan d’Hidalgo voté par le Conseil de Paris de 6 juillet dernier n’était pas sans compromis. Et l’un d’entre eux n’est pas passé inaperçu : si l’alignement sur le temps minimum de 35 heures par semaine en fait bien partie, le préfet francilien Marc Guillaume, n’a pas goûté que la mairesse ait prévu, selon lui en toute illégalité, de rendre chaque heure supplémentaire travaillée à ses employés par le biais d’une distribution de nouveaux jours de congés. D’où ce retoquage auquel s’ajoute un autre motif : le calendrier de mise en œuvre du plan qui portait l’application de cette réforme à septembre 2022, et non au 1er janvier.
Journaux comme politiques de tous bords, surtout de droite, ont de suite tenté de provoquer un tollé, en soulignant ce qui, à leurs yeux, signe la preuve de l’hypocrisie d’Hidalgo, très encline à multiplier les discours dénonçant les inégalités et voulant y remédier, plus encore depuis que sa réélection a renforcé sa possible posture de présidentiable, mais refusant de les appliquer à ses préposés.
…dont la justification ne passe pas
Anne Hidalgo n’avait bien sûr pas oublié de justifier ce don par derrière de ce qui doit être pris par devant aux agents municipaux, expliquant cette mesure par « l’intensité et l’environnement de travail induisant une pénibilité spécifique à la ville capitale », ce qui a déclenché la colère de nombre d’autres agents municipaux à travers le pays, notamment via les réseaux sociaux, heurtés par ce qu’ils apparentent à un « mépris » des conditions toutes aussi difficiles, voire étrangères à Paris, dues aux problématiques inhérentes à leurs communes d’exercice. Marc Guillaume, lui, trouve un tel argument appuyé par « aucune démonstration reposant sur des données objectives d’activité ».
L’adjoint en charge des ressources humaines de Paris, Antoine Guillou défend coûte que coûte cette mesure :
Nous considérons que le progrès est historiquement orienté vers la réduction du temps de travail […] Alors que les agents publics ont été en première ligne pour faire face à la crise sanitaire, […] l’entêtement du gouvernement à maintenir les objectifs et le calendrier de la loi est pour nous incompréhensible.
Pain béni pour le gouvernement
« Quand on défend l’égalité […], qu’on croit justement à cette égalité entre les français, entre les territoires, bah il y a un premier principe, c’est qu’on applique la loi ! »
Amélie de Montchalin
Le gouvernement ne l’entend pas de cette oreille, et c’est par la voix de la ministre de la Transformation et de la Fonction Publique, Amélie de Montchalin, qu’il s’est exprimé, n’oubliant guère de glisser un petit tacle à Anne Hidalgo, non plus en tant que simple mairesse, mais comme potentielle candidate à la présidentielle.