Ex-interprètes et auxiliaires militaires afghans sous la terreur des Talibans
Une nouvelle enquête du Supplément Enragé consacrée à la situation des anciens interprètes et auxiliaires militaire afghans ayant travaillé avec les nations interventionnistes, aujourd’hui tués et menacés de mort.
par Alexandra Marchand
D’ici la fin du mois d’août, les derniers soldats des forces étrangères auront quitté les territoires d’Afghanistan. Du côté des Talibans, l’offensive continue et ceux-ci gagnent du terrain progressivement, mettant en péril les ex-interprètes et auxiliaires afghans des troupes américaines.
Les États-Unis baissent le drapeau américain en Afghanistan En avril 2021, le président américain Joe Biden annonce le retrait des dernières troupes américaines en Afghanistan, avant la date symbolique du 11 septembre 2021. À Bagram, le porte-parole du ministre de la Défense afghan confirme le départ des derniers militaires américains installés depuis près de vingt ans dans la base militaire aérienne :
« L’aérodrome de Bagram a été officiellement remis au ministère de la Défense. Les forces américaines et de la coalition se sont complètement retirées de la base et désormais les forces armées afghanes protègeront la base et l’utiliseront pour combattre le terrorisme ».
Le retrait de plus de 3000 soldats américains basés à Bagram s’est faite sans la concertation des autorités locales, laissant les autorités afghanes seules pour protéger ce lieu stratégique, déjà pris pour cible ces derniers mois par les djihadistes de l’État Islamique. Alors que les combats se poursuivent entre l’armée nationale et les talibans, le président afghan Ashraf Ghani dénonce la dégradation de la situation militaire suite au retrait brusque des troupes américaines dans un discours prononcé au Parlement le 2 août. À la faveur du retrait définitif des troupes armées étrangères, les insurgés resserrent ces trois derniers mois leurs étaux autour de trois grandes villes en Afghanistan. Forces afghanes et Talibans s’opposent au combat dans Lashkar Gah ainsi que dans les faubourgs de Kandahar et d’Hérat, les deuxièmes et troisièmes villes les plus peuplées du pays. Dans son discours prononcé le 2 août, le Ashraf Ghani affirme avoir un plan sur six mois visant à bloquer les avancées des talibans, bien qu’aucun détail ne soit partagé.

Les États-Unis vers une procédure de visas
En Afghanistan, les anciens auxiliaires et interprètes de la coalition internationale craignent alors les représailles des talibans suite au départ des forces étrangères, considérés comme des traîtres. À Kaboul, l’ambassade des États-Unis recensent plus de 18 000 demandes de visas en attente, tandis que Paris décide d’accorder une centaine de visas aux employés afghans de l’ambassade de France, située à Kaboul.
Un appel aux communautés internationales est alors fait par plusieurs centaines d’anciens interprètes des armées de l’OTAN, vivant tels des clandestins suite au rejet de leurs demandes de visas au cours de ces dernières années. Aux États-Unis, le département d’État déclare dans un communiqué :
« À la lumière de la hausse de la violence de la part des Taliban, le gouvernement américain travaille pour fournir à certains Afghans, y compris ceux qui ont travaillé avec les États-Unis, l’opportunité de bénéficier des programmes d’admission de réfugiés aux États-Unis »
Ainsi, les États-Unis s’engagent dans une course contre la montre pour évacuer plus de 18 000 afghans ayant œuvré pour leur pays, tels que des interprètes afghans, mais également des chauffeurs, employés d’ambassade, ingénieurs et agents de sécurité. Cette procédure ralentie par des processus bureaucratiques fastidieux, permettra : « la possibilité de relocalisation permanente aux États-Unis à plusieurs milliers d’Afghans et aux membres de leur famille immédiate qui pourraient être en danger en raison de leur proximité avec les Américains, mais qui ne sont pas éligibles aux visas d’immigration spéciaux ».
Selon une association américaine défendant le personnel afghan, depuis 2014, plus de 300 interprètes ont été assassinés alors qu’ils attendaient leur visa. Malgré le risque d’être pris pour cible, une centaine d’ex-interprètes manifestent à Kaboul. Alors que les Talibans affirment ne pas s’en prendre aux ex-interprètes si ceux-ci se repentent. Selon Mahmoodi, l’un des organisateurs du rassemblement, cette option n’est pas envisageable :
« Je ne vais pas demander pardon aux talibans parce qu’ils sont toujours mes ennemis. Ils sont les ennemis du peuple. Ils sont les ennemis des femmes, des filles, de tous. Vous savez, si les talibans reviennent, ils ne vous laisseront pas être ici. Ils ne laisseront pas les filles aller à l’école. Il n’y aura pas de démocratie. Il n’y aura pas de liberté. »
Afin de venir en aide aux ex-interprètes, vous pouvez contribuer en signant cette pétition : « Emmanuel Macron, sauvez les interprètes afghans de l’armée française«
Sources
- Photo de couverture: Ministère afghan de la Défense
- Sonia Ghezali, « Afghanistan: les ex-interprètes des armées étrangères plongés dans l’inquiétude« , [en ligne], RFI (6 août 2021)
- Romain Sinnes, « En Afghanistan, les Etats-Unis pris au piège des Talibans », [en ligne], Information TV5 Monde (5 août 2021)